Cette première période de résidence est dédiée à la rencontre avec un premier groupe de personnes et le territoire. Le prétexte à cette rencontre est la construction d’une cabane qui ne sera pas la cabane du spectacle final, mais un objet artistique et une « porte d’entrée » dans le projet.
Avant de commencer la construction, le groupe de personnes impliquées travailleront à la définition d’un propos : qu’est ce que cette cabane va nous raconter ? Quelle question va t-elle poser ? Sa forme, les matériaux avec lesquels elle sera construite, son lieu d’installation, la manière dont elle pourra être regardée, visitée ou utilisée, participeront à formuler ce propos. Si besoin, la construction de la cabane pourra aussi faire intervenir des savoir-faire locaux.
Jeudi 9 septembre. Après avoir échangé avec plusieurs représentants de structures du quartier de Mireuil (mairie de quartier, ludothèque, CSC Le Pertuis, Résidence Habitat Jeune …), je présente le projet à une vingtaine de personnes lors d’une réunion publique. Plusieurs semblent intéressées, les premières anecdotes autour de souvenirs de cabanes surgissent spontanément.
Lundi 20 et mardi 21septembre. Rdv à 9h30 devant le CSC. Un groupe de personnes me fait visiter le quartier d’un bout à l’autre. J’apprends quelques éléments de son histoire, on me raconte des anecdotes, des souvenirs. En l’arpentant je comprends mieux comment le quartier est agencé, l’importance du parc et le rôle central de la place de l’Europe.
Je propose d’ailleurs à quelques personnes de m’y retrouver dans l’après-midi. Nous nous asseyons, nous discutons, nous observons les allers et venues, la place de chacun, les commerces, la cohabitation. Nous évoquons des idées de cabane en rapport avec les immeubles.
Le lendemain après-midi, nous nous retrouvons à une dizaine à l’Agora – CSC Le Pertuis pour un café. Pendant deux heures, nous échangeons sur les questions du lieu d’implantation de la cabane, de sa forme, des matériaux que nous pourrions utiliser. Nous aimerions les trouver sur place, que leur simple utilisation raconte quelque chose du quartier.
À 18h30, rdv pour faire une synthèse de toutes nos idées. Je retrouve la quinzaine de personnes que j’ai rencontrées durant ces deux jours. Nous nous séparons avec une idée assez précise de ce que nous souhaitons faire.
Lors de notre venue à Villeneuve-les-Salines, nous avons rencontrés plusieurs groupes de personnes séparément : un groupe d’adolescents du secteur jeune du CSC, un groupe d’habitants au bar associatif, des résidents du foyer Horizon Habitat Jeunes, des enfants du centre de loisirs, et pour finir un groupe de personnes dans le hall du CSC, en lien avec le collectif des associations.
Très vite, une idée récurrente est ressortie de nos échanges : l’esprit solidaire qui anime le quartier. Personne n’est dupe, il y a des problèmes, tout n’est pas joyeux, mais il semble que les relations entre les habitants sont cordiales, qu’il y a beaucoup d’entraide, les personnes se saluent, se disent bonjour facilement, on connait ses voisins, on est comme dans un village, le marché est un espace de rencontres, il y a beaucoup de nature, la campagne à la ville, on parle de richesse culturelle plutôt que de diversité culturelle, on parle d’aération, d’adhésion, d’ouverture aux autres croissantes au fil des années.
La présence de beaucoup d’associations dans le quartier, et le travail du collectif des associations de Villeneuve depuis plusieurs dizaines d’années, semble faciliter la vie dans le quartier, initier les rencontres, les actions solidaires, les événements …
Alors il semble évident que c’est cette idée que la cabane doit transmettre : le lien entre les personnes.
Un habitant de Mireuil raconte que son papa avait été ouvrier pour la construction des immeubles du quartier, et il en était fier. Quand en famille ils arrivaient en voiture aux abords de la ville, il aimait dire “regardez, on sait que l’on arrive à La Rochelle quand on aperçoit les tours”. Il évoquait alors les tours de Mireuil et non les célèbres tours du vieux port.
La cabane sera donc de forme cylindrique, pour évoquer la forme d’une tour. Elle sera située dans l’angle de l’immeuble. Elle pourra ainsi être vue de différents endroits.
Avec Sur le pont, Centre National des Arts de la Rue en Nouvelle-Aquitaine.
Mireuil est habité par beaucoup de personnes de cultures différentes. C’est une richesse pour le quartier qui ne semble pas être valorisée. Cela pourrait parfois même être perçu comme un handicap. La cabane sera constituée d’une multitude de morceaux de tissus aux couleurs et motifs différents évoquant la multiplicité de ces cultures. Nous pourrions solliciter les habitants du quartier pour qu’ils amènent des tissus, les découpent et les installent eux-mêmes sur la cabane
Une autre personne raconte qu’elle a grandi à la Martinique. Lorsqu’elle était enfant, un ouragan a détruit sa maison. Avec d’autres habitants ils ont été relogés dans des cabanes provisoires, formant une petite communauté de familles autour d’un puits. Elle conserve de cette période des souvenirs puissants et joyeux. Au contraire, elle a été très triste lorsqu’il a fallu quitter la cabane, les copains, les jeux, la vie en extérieur ... pour intégrer un appartement tout neuf.
Une autre personne raconte qu’elle a grandi à la Martinique. Lorsqu’elle était enfant, un ouragan a détruit sa maison. Avec d’autres habitants ils ont été relogés dans des cabanes provisoires, formant une petite communauté de familles autour d’un puits. Elle conserve de cette période des souvenirs puissants et joyeux. Au contraire, elle a été très triste lorsqu’il a fallu quitter la cabane, les copains, les jeux, la vie en extérieur ... pour intégrer un appartement tout neuf.
Le vent fait lui aussi partie du paysage à Mireuil. Il passe, “comme les nombreuses personnes qui s’installent dans le quartier quelques années puis s’en vont”. Il faut que la cabane donne à percevoir le souffle du vent. Les morceaux de tissus resteront en partie libres afin qu’ils puissent voler dans l’air, et ainsi modifier l’aspect de la cabane en fonction du vent.
Chaque soir à la tombée de la nuit, une lumière s’allumera à l’intérieur de la cabane, évoquant la présence d’une personne qui veille sur le quartier.
Une personne chilienne vivant à Mireuil, nous raconte comment au Chili, on ne déménage pas seulement les meubles de la maison, mais aussi les murs. On déplace toute la maison, aidé par de nombreuses personnes. Le déménagement est alors aussi l’objet d’un rassemblement et d’une fête.
La cabane pourrait voyager dans le quartier, de toit en toit, nomadiser dans le quartier. Elle s’installerait plusieurs mois à un endroit, puis nous nous retrouverions pour la déplacer. Cela pourrait donner lieu pour chaque nouvel emménagement, à l’installation de nouveaux tissus, à des déambulations et des rassemblements festifs.
Et puis il y a ce mot qui revient toujours, “lien”, “le lien entre les habitants”, “créer des liens”, “les liens sont forts” …
Nous décidons de prendre ce mot au pied de la lettre et d’imaginer une cabane faite d’une innombrable succession de liens. L’idée s’étoffe quand nous pensons solliciter les habitants du quartier afin qu’ils apportent des bouts de ficelles, lacets, scoubidous, laine … dans le hall du CSC et qu’ils les assemblent eux-mêmes sur l’armature métallique de la cabane.
On crée du lien en faisant des liens, on s’attache les uns aux autres pour former une grande sphère colorée, une cabane cocon faite de bouts de ficelle.
Pendant deux jours nous avons arpenté le territoire de la Communauté de Communes Coeur Haute Lande, à Brocas et Vert, à Moustey et Pissos, à Luxey et Callen. Nous avons rencontré beaucoup de personnes différentes avec qui nous avons échangé. Et lors de deux soirées, nous avons réfléchis ensemble à cette question : quelle cabane pourrions-nous construire ici qui donnerait à voir un aspect sensible de ce territoire ? Nous pouvons pour cela actionner quatre leviers : la forme de la cabane, les matériaux avec lesquels nous la construirons, son lieu d’implantation et le processus de construction et/ou de gestion de cette cabane.
Le premier soir, une quinzaine de personnes nous retrouve au Cercle de Pissos, à l’ouest du PNR. Sont présents des élus, des représentants d’associations, des employés du PNR, de la Communauté de Communes, une artiste, des habitants... Chacun s’exprime sur la perception qu’il a de son territoire, de sa manière d’y vivre, de le ressentir. J’invite chaque personne à évoquer cela en choisissant trois mots. Tout le monde joue le jeu. Les termes énoncés peuvent être regroupés en deux catégories principales.
D’un côté la notion d’infini, avec des mots comme vaste, ouvert, horizon, grands espaces, force, jamais fni, étendu, lointain, immensité, ciel, intangible.
De l’autre, l’idée d’intimité avec des mots comme refuge, fragilité, silence, enfermement, pudeur, réconfortant, chaleur, sincérité, abri, écrin.
Une autre notion ressort de ces échanges, qui à mon sens relie la sensation d’infini à celle d’intimité. Quelqu’un compare les forêts de pins avec un désert, puis les quartiers, les villages avec des oasis. Dans le même esprit, une autre personne évoque plus tard un archipel, et encore une autre des constellations. Dans ces trois images, on retrouve l’idée d’ilots séparés les uns des autres par de vastes étendues non habitables. Plusieurs personnes insistent sur la non monotonie de ces étendues, la non monotonie de la forêt toujours en mouvement, comme les dunes de sable dans le désert par exemple. Quelqu’un compare la forêt à une partition que l’on parcoure lorsqu’on la traverse en voiture, avec ses parcelles de pins à différentes hauteurs selon leur maturité. Nous nous quittons sur ces belles images.
Le second soir nous nous installons au cercle de Brocas, au sud du territoire. De nouveau une quinzaine de participants sont présents. Il ne s’agit pas des mêmes personnes que le premier soir. Nous retrouvons par contre plusieurs visages rencontrés lors de nos rendez-vous en journée. Après avoir présenté l’ensemble du projet dans lequel s’inscrit la construction de cette « cabane sensible », je retrace comment le territoire a été décrit la veille par les autres participants.
Très vite l’idée d’une cabane itinérante surgit. Cela résonne avec l’image du désert évoquée précédemment, et plus globalement avec l’idée de nomadisme : mode de vie fondée sur le déplacement. Comme l’explique beaucoup de spécialistes, les nomades se déplacent sur un même territoire, ce ne sont pas des voyageurs, mais bien des habitants d’un territoire délimité qu’ils habitent de manière itinérante. Cela me semble bien correspondre avec le fort sentiment d’attachement intime au territoire, que je ressens lors de mes échanges avec les personnes que nous rencontrons.
SI les questions du lieu et du mode de gestion de la cabane sont résolues, nous ne savons encore pas à quoi elle ressemblera. Nous évoquons différents matériaux, le pin bien sûr, sous plusieurs formes. Mais nous ne voulons pas tombé dans la facilité. Il y a mieux à trouver.